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    ou pour tenter d’y voir un peu plus clair dans le conflit sino-tibétain

     

     (dès que j'ai un instant j'illustre...)

     

    Pour le D.L. « il n’y a pas de souffrance injuste. Elles sont le résultat d’un mauvais karma ».

     

     

     

    Plan

     

                  -Préambule

                     -Introduction

                       - Démographie

                  -Sociologie

              -religion

                   -géographie

                                                                               -histoire ancienne

                                      -histoire contemporaine

                                                                               -conclusion

     

     Préambule :

     Notre monde est un village. Tous nous sommes interdépendants les uns des autres. Les nationalismes de tout crin à vouloir préserver leur pré carré qu’il s’agisse de situations géographiques privilégiées, de culture ou de religion, ne font que ralentir pour un temps la marche inéluctable de l’Humanité vers une union harmonieuse des peuples. L’eau et la terre (les richesses minérales), le fruit du travail de tous les hommes doivent être partagés avec équité dans le seul but du bonheur de tous, car il est inacceptable de savoir, ici et maintenant, qu’un enfant meurt de faim toutes les cinq secondes en l’état actuel des choses… C’est avec cet état d’esprit et ce pitoyable contexte humain que sera analysé le conflit sino-tibétain…

     

    Introduction :

     

    Télérama du 5 avril 2008. Courrier des lecteurs. Titrage du journal en caractères couleur bronze de 2 cm de hauteur, excusez du peu : « A méditer »

     

    M.C. Millet de Paris écrit : « Images chocs d’actualité : après la Birmanie, la Chine, des bonzes manifestent pour la liberté de leur peuple, affrontent la police. Des moines bouddhistes. La religion la plus pacifique du monde, la plus respectueuse du vivant. Les petits bonzes orange aux bras nus offrent enfin une alternative à visage humain au froid silence du clergé d’Occident et aux fureurs islamistes. De quoi réconcilier les laïcs avec la religion ? »

      

    Une belle image d’Épinal ? En tout cas la vision sincère d’une Occidentale, imprégnée depuis deux ou trois décennies du charisme de quelques très sympathiques personnages, pour n’en nommer que deux, Tenzin Gyatso l’actuel 14e Dalaï Lama et  son traducteur en France, le biologiste et moine bouddhiste Matthieu Ricard  fils de Jean François Revel et de l‘artiste peintre Yahne Le Toumelin, elle-même bouddhiste ; sans compter également toute une littérature et une filmographie dithyrambique relative à tout ce qui touche au bouddhisme tibétain et qui pour l‘essentiel vient des Etats-Unis. (cf. « Kundun » de Martin Scorcèse ; Little Bouddha de Bernardo Bertolucci, mais aussi « 7 ans au Tibet » de Jean Jacques Annaud.)

      

    Mais rappelle l’historien Laurent Deshayes dans son Histoire du Tibet « il ne suffit pas (…) d’être une victime aujourd’hui pour blanchir le passé, ni d’avoir pour chef de l’État exilé un apôtre de la paix, pour présumer de la probité de la structure religieuse et politique du Tibet d’autrefois. »

     

    Et il reste, vraisemblablement, que contrairement aux apparences, tout n’est pas tout noir d‘un côté, et tout n’est pas tout blanc de l‘autre… Tel le TaïQi (Faîte Suprême) symbole taoïste au cercle noir et blanc qui comprend d’un côté l’élément yin, et de l’autre l’élément yang… sachant qu’en chacun d’eux, l’autre est lové… Et s’il est avéré qu’aujourd’hui le peuple tibétain offre une image martyre face à l’impérialisme et à la violence plus qu’évidente du Parti communiste chinois, il n’en a pas toujours été ainsi tout au long de son histoire… Je cite : « Les D.L. successifs ont fait conquête du pouvoir grâce à l’appui militaire mongol. L’Histoire du Tibet comme de n’importe quel pays est faite de guerres de massacres et de domination masculine. » Patrick French.

      

    A noter qu’aujourd’hui, on peut mettre entre guillemets les mots « chef de l’état », car depuis plus de 3 ans le D.L. n’a plus de fonction politique. Il reste « simplement » un hiérarque parmi tant d’autres au sein des communautés monastiques tibétaines.

      

    Durant ce temps passé ensemble nous allons donc tenter d’y voir un peu plus clair en essayant d’être le plus objectif possible, c’est dire qu’aucune des parties de ne satisfera de ces dits…

     

    A la veille de 1950, année où la Chine va l’envahir quelle est la situation au Tibet ?

     Cet immense pays est encore renfermé sur lui-même, malgré les velléités de certains grands intellectuels, (tel Gedun Chompel dans la Tradition Gelugpa) qui souhaitent moderniser le pays et qui professent des idéaux sociaux, voire socialistes, et de jeunes progressistes nationalistes régulièrement contrés et mis au ban. Du point de vue  politique le régime théocratique est un véritable anachronisme. C’est une Société archaïque telle qu’on pouvait la trouver au Moyen Age, constituée de castes, il y a les nobles, le clergé, le peuple, les fonctionnaires, les commerçants, et les artisans, les parias (forgerons, fossoyeurs, et bouchers) et les serfs car le Tibet est une Société de servage, avec une multitude de mendiants. Les moines représentent entre 1/5e et 1/3e de la population totale (ce qui est faramineux !)

      

    Il n’y a pas de langue parlée unique, ni d’identité nationale mais une multitude de « seigneuries » anciens petits royaumes aux mains des nobles et des abbés (souvent eux-mêmes issus de la noblesse). Malgré d’importantes ressources minières, dont nous verrons le détail dans un instant, il n’y a pas d’industrie métallurgique, pour l’anecdote une des causes a résidé dans le fait que les Tibétains croient à des puissances chtoniennes qu‘il ne faut surtout pas déranger. Quant à l’agriculture elle est plus que rustique, voire antique… on retourne la terre avec des araires dont le soc est en bois. Il n’y a pas d’écoles hors les monastères, et les enfants nés aveugles du fait d’un mauvais karma sont pour la plupart laissés à l’abandon…et oui nous sommes au 20e siècle.

      

    Voilà ce que dit un exilé tibétain de la Société qu’il venait de quitter : « Nous Tibétains, sommes responsables en grande partie de notre tragédie. Il serait injuste de condamner individuellement les lamas, les monastères et les aristocrates. Le système entier était pourri jusqu’au cœur et ne pouvait résister aux pressions du 20e siècle. Il était prêt à s’écrouler et s’est écroulé de manière désastreuse. » Le rapporteur de cette sentence particulièrement sévère, Jean Dif, de rajouter : « Certains penseront peut être que ces propos sont exagérés ; mais aucune personne sensée ne peut prétendre de bonne foi que la situation qui prévalait dans l’ancien Tibet pouvait encore durer des siècles dans le monde où nous vivons. »

      

    En quelques lignes voici donc énuméré le côté obscur de la Société tibétaine d’avant 1950. Mais il ne faut cependant pas occulter les aspects lumineux essentiellement dus au Bouddhisme du Vajrayana et aux initiés et penseurs qui l’ont véhiculé depuis la nuit des temps, et qui grâce à leur aura ont permis de gommer, ou plutôt de voiler certains aspects de la réalité quotidienne tibétaine….

      

    La Démographie du Tibet:

     

    Les Tibétains sont environ 6.500.000. A titre de comparaison la population tibétaine est inférieure à celle de la Suisse (8 Million) et bien en deçà de celle de la région parisienne 12 millions)

     (Pour mémoire : en Chine il y a 55 nationalités parlant chacune leur propre langue… dont 90 % de Han.)

     

    Les Tibétains sont répartis dans plusieurs provinces chinoises, l‘ancien Grand Tibet : le Qinghai, le Gansu, le Sichuan et le Yunnan, pour 3 à 4 millions d‘habitants. Quant à la stricte Région Autonome du Tibet, égale au 1/8e du territoire chinois, grande comme cinq fois la France, elle est peuplée de  près de 3 millions d’habitants.

      

    Dans ces régions les Tibétains représentaient il y a encore quelques années entre 92 et 95 % de la population selon les sources gouvernementales chinoises. Par contre d’autres sources, celles-ci non officielles, nous disent que les colons seraient désormais aussi nombreux que les Tibétains

      

    La politique du planning familial chinoise, un enfant par couple urbain ne s’applique pas aux Minorités, alors qu’on parle souvent ici de stérilisation et de foeticides…

     

    150.000 Tibétains vivent à l’Étranger, dont 20.000 à Dharamsala, et près de 500 en France.

     A l’origine, la population tibétaine semble se diviser en plusieurs groupes qui eux-mêmes se subdivisent en 51 tribus d’origine mongole et turque.

                 ANDO, descendants des KARJIA (rien sur @), NACHAN et HOR (mongols). Il y a aussi  des TANGOUTES un peuple asiatique dont l’histoire remonte au VIIe siècle. Ils vivaient     sur le plateau tibétain. Soumis par Genghis Khan en 1207 ils ont été exterminés pour                 avoir refusé de lui fournir des troupes (wikipédia). 

     

    Il y a également des tribus Qiang, des villages han depuis la nuit des temps, des musulmans (Hui), des qing (apparemment de la province du Qinghai ).

     

    Les tibétains qui vivent au Kham, les Khampas sont de grandes tailles par opposition aux habitants du Tibet Central qui sont de petites tailles. Vers l’an - 100, il semble que des barbares « à tête de chien », donc au visage barbu, probablement des européens, Scythes vivant au Turkestan, aient émigré au Tibet oriental (le Kham et l’Amdo) chassés par des Huns de langue turque (Xiongnu).

     

    80 % de la population est sédentaire (bod-pa) et 20 % nomade (‘drog-pa).

     

    Toutes ces peuplades ont au moins un dénominateur commun, le fait de consommer de la tsampa (farine d’orge grillée).

      

                Quelques statistiques :

     

    Selon un rapport de l’Organisme chinois de démographie, 60 % des habitants de la région autonome sont illettrés contre 16 % en Chine ; les sources occidentales disent : 75 % d‘illettrés contre 20 % en Chine. Le revenu rural par habitant est le plus faible de toutes les provinces. L’espérance de vie est en deçà de 60 ans contre 69 ans pour le reste de la Chine. La mortalité infantile culminait il y a encore peu à 96 pour mille soit 11 fois plus que celle de Pékin.

     

                Sociologie :

     

    Dans l’ancienne société tibétaine la polygamie et la polyandrie sont pratiquées.

     

    De nos jours, la polyandrie est encore d’actualité dans certaines régions pour des raisons économiques. L’épouse d’un homme est souvent celle de ses frères ou le devient à sa mort. Les enfants sont ceux de toute la famille, et il y a peu de différence entre pères et oncles.

     

    Dans les familles nobles le fils aîné entrait dans les Ordres pour devenir abbé d’un monastère tandis que son cadet devenait le chef de famille.

      

                Religion :

     

    A la fin du XXe siècle il y avait 1700 sites religieux consacrés au bouddhisme tibétain qui accueillaient 46.000 moines et moniales ; 4 mosquées pour 3.000 musulmans, et une église catholique pour 700 fidèles.

      

    Le bouddhisme est une religion étroitement liée au Tibet depuis le 8e siècle. C’est plus exactement une philosophie/religieuse sans dieu créateur, essentiellement tournée vers la compassion envers tous les êtres appelés inéluctablement à la souffrance (la compassion est le souhait de non souffrance pour tous les êtres tandis que l’amour prôné par d’autres religions est lié à une espérance du bonheur pour tous).

      

    A l’origine, à l’instar d’un bon nombre de peuples, les tibétains n’ont pas toujours été des parangons de bonté… d’amour et de générosité comme on pourrait le croire aujourd’hui telle que dévoilé par une certaine imagerie occidentale. Les tribus étaient guerrières et certaines même cannibales…. La religion primitive le Bön était hantée de divinités sanguinaires, et les chamans pratiquaient la magie noire encore au 19e siècle.

      

    Sans rentrer dans le détail les principales écoles bouddhistes tibétaines sont :

     Les Gelug-pa, les Nyingma-pa, les Sakya-pa, les Kagyu-pa, et le Bön.

     La plus importante est celle des Gelug-pa, les Vertueux (le D.L. et le Panchen Lama en sont les principaux dignitaires). Elle date du XVIIe siècle.

     Ensuite nous trouvons les Nyingma-pa (les Anciens) dès le VIIIe siècle,

     les Sakya-pa « Ceux de la Terre grise » au XIe siècle

     et les Kagyu-pa (dont le principal dignitaire est le karmapa) également au XIe siècle.

     La religion archaïque Bön ou Bön-po a rejoint ces écoles.

     

                Géographie :

     

    Superficie du Grand Tibet : 2.500.000 km2 (par comparaison la France env. 544.000 km2)

     Le Tibet, ce sont essentiellement des hauts plateaux désertiques et l’Himalaya aux montagnes enneigées. Il constitue pratiquement un quart du territoire de la Chine et c‘est de ses Hauts plateaux que naît la plus grande richesse de tout un continent et qui bien souvent fait jaillir la guerre et la violence à savoir les principaux fleuves et rivières qui irriguent la plus grande partie de l‘Asie, l‘Indus, le Gange, le Brahmapoutre (Tsangpo en tibétain), le Yang Tseu Kiang (le fleuve bleu : 6.300 km) et le Huang He (le fleuve jaune 5.500 km)…

      

    Dans le Ü et le Tsang la densité forestière est la plus forte du monde pour les conifères, tandis que la région la plus boisée reste le Kham. A noter que depuis l’arrivée de l’Armée Populaire de Libération l’exploitation industrielle des forêts a fait disparaître 45 % des surfaces boisées !

      

    Les régions désertiques du Nord-Ouest servent de centre de stockage des déchets d’origine nucléaire et selon certaines sources (préface de B. Kouchner « Tibet l’envers du décors » d’Olivier Moulin, ouvrage indisponible chez tous les grands distributeurs ! ! !) c’est dans ces régions désertiques qu’auraient eu lieu les expériences atomiques souterraines chinoises…

      

    Patrick French dans son ouvrage « Tibet, Tibet » dit en substance que les tibétains n’ont jamais bien connu de frontières nationales bien délimitées. Où commence le Tibet, où finit la Chine ? Où commence la Chine, où finit l’Inde ?

     

    Du temps de l’Empire, soit du début du 7e siècle (629) jusqu’au 9e siècle, le Tibet étend son immense pouvoir du Turkestan (Nord) jusqu’en Chine centrale, des rives du Gange (au sud) jusqu’en Afghanistan à l’Ouest.

     

    Le Sous-sol :

     Il représente une véritable caverne d’Ali Baba en étant une des premières régions minières du monde…. Il renferme du cuivre, de la chromite (le gisement le plus important de la planète), du platine, du tungstène, du cobalt, du titane, de l’or et de l’argent, du lithium et de l‘uranium. On estime les gisements de charbon à 750 millions de tonnes… et il est prévu une extraction de 90.000 tonnes par an… de quoi voir venir pendant plusieurs centaines d’années… En outre le sous-sol serait gorgé de pétrole (source Arte).

      

    Les Tibétains cultivent l’orge, les navets et les pois, élèvent des yacks et de dris (la femelle) et des chevaux, récoltent du sel.

                

     

    Un peu d’Histoire à présent. Je vais être rapide sur l’Histoire ancienne en ne proposant que quelques clés, et je commenterai plutôt l’Histoire contemporaine.

      

    Selon une des légendes il est dit qu’entre - 500 et - 200 un souverain mythique d’origine céleste Nyathri Tsampo (Tsenpo) régna sur le Tibet (Tsampo = roi ou empereur). Le Bön est alors la religion dominante.

      

    Au 6e siècle se forme la première noblesse. C’est une période de guerres intestines. Les chroniques anciennes disent : « Ils luttaient entre eux et aimaient tuer.. ». Au même moment entre 502 et 550 Bodhidharma parti d’Inde arrive en Chine… Il enseignera le Bouddhisme à Shaolin, Province chinoise du Henan dans un monastère fondé en 497 sous la dynastie des Wei du Nord.

      

    608-609 voit la période des toutes premières ambassades du Tibet en Chine.

     

    Vers 635 la langue écrite qui s’inspire du ranjana du Nord de l’Inde, un dérivé du brahmi et qui n’utilise pas les idéogrammes contrairement à la Chine est désormais fixée.

     

    En 641 l’empereur chinois des Tang Taizhong donne en mariage au roi Songtsen Gampo une de ses filles la princesse Wencheng. Elle amène à Lhassa une statue du Bouddha Sakyamuni et quelque temps plus tard sera construit le fameux temple de Jokhang chargé de l’abriter.

      

    Les Tibétains arrivent au nord de l’Inde en 647. A cette date on peut dire que l’empire tibétain est néC’est un des plus puissants du monde. Et il va porter la guerre partout au cœur du Continent asiatique. Il est établi sur un système féodal qui repose sur le servage et qui se maintiendra jusqu’au milieu du 20e siècle…

      

    Le VIIIe siècle voit apparaître les premiers monastères bouddhistes auxquels sont rattachés des serfs pour subvenir à leurs besoins.

     

    Entre 714 et 727 les Tibétains tentent d’envahir la Chine pour le contrôle des routes marchandes. Les pillages et tueries se succèdent. Ils pénètrent dans la capitale des Tang Chang’ an (Xian) en 763. L’empereur est détrôné.

     

    Padmasambhava (Celui qui est né du Lotus) le fameux Guru Rinpoché et qui deviendra un des Bouddha les plus important du Tibet ancre définitivement le bouddhisme au Pays des Neiges Eternelles.

      

    Que dire du code pénal de l’époque, celui de l’empereur Trisong Detsen, un code qui va perdurer jusqu’au 19e siècle… Les châtiments sont extrêmement cruels, on brise les membres, on arrache les yeux (deux omoplates de yak enserrent la tête du condamné jusqu’à ce que sortent les yeux de leurs orbites…) on coupe les nez, les lèvres de ceux qui parlent mal aux moines, on ampute le doigt de celui qui les montre du doigt, et on brûle vif les condamnés à mort quand ils ne sont pas jetés au fleuve.

     

    Au milieu du 9e siècle l’Histoire du Tibet se trouble du fait de querelles au sein de la famille royale puis avec les grands monastères. Grands monastères dont les abbés tout au long de l‘histoire du Tibet iront d‘un camp à l‘autre en fonction de leurs propres intérêts.

      

                Puis l’anarchie féodale succède à l‘empire :

      

    Le clergé profite de cette période trouble pour asseoir sa puissance. A cette date apparaissent les grands fondateurs des écoles bouddhistes. Toutes ont pour but la libération, la réalisation dans le Nirvana, mais elles diffèrent sur les moyens d’y parvenir. Les grands monastères entreront souvent en luttes sanglantes, non pour des problèmes de doctrine mais pour des motifs politiques et économiques.

      

    En 1147 débute l’institution des Karmapa au Kham, première lignée désignée par réincarnations successives, les fameux tulkou.

     

    L’université monastique de Nalanda au Bihar en Inde, 10.000 moines, la plus célèbre université bouddhiste en Inde est détruite par les musulmans entre 1198 et 1199. La plupart des religieux vont se réfugier au Népal ou au Tibet.

     

                La période Mongole succède à la période féodale :

      

    Le 12e siècle va voir la naissance d’une tradition toute particulière au Tibet, celle de « la découverte des textes trésor », les terma, textes tout à la fois bouddhistes et bönpo. Ils auraient été dissimulés bien des siècles auparavant par des saints et des Bodhisattva (êtres de lumière réels ou légendaires). Ces découvertes se feront au propre (à l’intérieur de grottes et de cavernes) ou au figuré (en songes).

      

    Gengis Khan devient le chef suprême des Mongols en 1206. Il envoie des émissaires, et désormais sans puissance militaire suffisante les tibétains vont se placer sous sa protection.

      

    Le second Karmapa en 1250 convertit le Khan Möngke, fils de Gengis Khan. Son frère Kubilaï Khan, sera le premier empereur de la dynastie Yuan en 1271.

      

    A la mi-temps du 13e siècle le clergé tibétain dispose du pouvoir spirituel sur l’ensemble de l’Empire sino-tibéto-mongol et en échange l’empereur protège le Tibet tout en lui donnant une large autonomie. En effet en 1276 à la création de la dynastie Yuan, Chine, Tibet, et Mongolie ne font plus qu’un. Ceci durera près d’une centaine d’années, jusqu’à la prise du pouvoir en 1368 par une nouvelle dynastie chinoise, celle des Ming.

      

    Le désir du premier empereur des Ming Taizu est de renouer les liens tout à la fois avec la religion bouddhiste de l’empire et les hiérarques tibétains.

      

    En 1577 Seunam Gyamtso est reçu avec fastes en tant que dignitaire Gelugpa à Kökekhota la capitale des Tumets en Mongolie par Altan Khan. Il lui sera donné le titre de Dalaï Lama (Océan de Sagesse) et ses deux prédécesseurs seront également et rétroactivement reconnus comme tel. En bonne monnaie d’échange Altan Khan, converti, et qui fait du Bouddhisme la religion officielle de son clan, sera reconnu à son tour par Seunam comme étant la réincarnation de Kubilaï Khan…du donnant-donnant en quelque sorte, mais c’est l’époque qui veut ça… Les cotes des deux hommes et les liens entre Mongols-Tumets et Gelugpa en seront fortement renforcées au regard de leurs divers prétendants.

      

    Fin de la dynastie Ming en 1644. Des Mandchous venus du nord lui succèdent et créent la dynastie Qing. Cette dynastie comme le rappelle judicieusement de nombreux auteurs scellera définitivement le futur du pays par le système de protection accordé par ses empereurs à la demande même du Tibet pour chasser tous les envahisseurs avides de ses richesses.

      

    En 1650 le monastère de Tashilhunpo à Shigatsé, est mis à l’honneur lorsque le Dalaï Lama accorde à son abbé le titre de Panchen Lama (Grand Erudit). De fait Dalaï Lama et Panchen Lama, lui aussi dans la tradition Gelup, seront Maître et disciple. Au plan des réincarnations c’est le Dalaï lama (entre autres) qui découvre le futur Panchen, au même titre que le Panchen participe également à la découverte de la future réincarnation du Dalaï Lama.

      

    En 1661 Kangxi devient empereur de Chine. Les relations entre le Dalaï Lama et l’Empereur sont dictées par un intérêt politique commun. Le bouddhisme est bien implanté chez les Mandchous. L’Empereur est responsable du bien- être matériel de toutes les créatures terrestres, tandis que quant à lui le Dalaï Lama veille au bien être spirituel desdites créatures… Pour la petite Histoire, Kangxi est considéré comme le Louis XIV chinois.

      

    Le VIIe Dalaï Lama, encore petit enfant est installé au Potala grâce à l’Empereur chinois. 2.000 hommes de garnison sont détachés de Chine pour le protéger, tant sont grands les risques de troubles et de guerre civile. C’est cette implantation qui va amener durablement l’administration chinoise à Lhassa.

      

    En 1724 l’Amdo (Kokonor) est séparé du Tibet central et devient la province chinoise du Qinghai. C’est en quelque sorte un retour aux sources puisque cette région est une ancienne terre chinoise occupée en son temps (783) par les tibétains.

     

    A deux reprises, en 1788 puis en 1791 les Gourkhas du Népal envahissent le Tibet. Ils sont refoulés grâce aux troupes de l’empereur chinois Qianlong.

     

    Une nouvelle constitution est imposée par la Chine en 1793, avec notamment la réforme du mode de désignation des Tulkou, étonnamment toujours trouvés au sein des mêmes familles nobiliaires… et qui se fera désormais par tirage au sort.

     

    De 1805 à 1875, le Tibet va connaître successivement quatre Dalaï Lama, tous vont mourir jeune, sans doute éliminés pour la plupart, par les Régents véritables détenteurs du pouvoir et aux centres de luttes intestines.

      

    Les descriptions que font les étrangers du Tibet à cette époque (Thomas Manning) ne sont guère enthousiastes, il y a beaucoup de mendiants et de malades, les villes sont sales et malodorantes (odeur de charnier).

     

    Le 11e Dalaï Lama naît en 1838. L’année suivante débute la guerre de l’opium entre la Grande Bretagne et la Chine. Elle prendra fin en 1842 avec le Traité de Nankin qui fera la part belle aux Occidentaux. C’est le déclin de l’Empire du Milieu sous les coups de butoir de l’Occident, mais également du fait de l’affaiblissement d’une Chine trop ancrée dans son puissant passé et rétive à la modernité.

      

    Le Tibet alors suscite bien des envies, et de nouveau c’est le Népal quelques années plus tard, en 1855 qui convoite ses richesses profitant de la faiblesse chinoise. Le gouvernement tibétain est dans l’incapacité d’arrêter l’invasion des Gourkhas, et un traité de paix place le Tibet sous tutelle népalaise...

     

    L’impératrice douairière Tseu Hi (Cixi) prend le pouvoir en 1862.

      

                A présent et en dernière partie de cette réflexion, sera abordé l’Histoire contemporaine et les temps modernes. Une période qui voit l’Occident s’intéresser de très près au Tibet et qui envoie des « missionnaires » (bien plutôt des espions) explorer et cartographier le pays. Pour la petite histoire ils utilisent des rosaires comme instrument de mesure…

      

    En 1876 la signature des accords de Chefoo entre la Chine et la Grande Bretagne avalisent la tutelle de la Chine sur le Tibet… Ce faisant et en contrepartie les Mandchous ne s’opposent pas à l’invasion de la Birmanie par les Anglais (Glen H. Mullin). Le 13e Dalaï Lama sa vie durant n’aura de cesse que de contrer cette convention et de fait il réussira pendant une 20e d’années de 1913 à 1933 à préserver son pays de la dépendance chinoise.

     

    Une petite armée indienne et britannique sous les ordres du Colonel Francis Younghusband pénètre dans la vallée de Gyantse en 1903. Un affrontement a lieu à Gourou qui voit l’armée tibétaine massacrée pour partie et mise en déroute par les mitrailleuses anglaises. C’est au total 2800 tibétains qui périssent et le Dalaï Lama s’enfuit en Mongolie.

      

    Le Kuomintang, Parti National Chinois du Peuple, est créé en 1910 par Sun Yat Sen. L’empereur Pou yi est renversé.

      

    En 1911 les Tibétains profitant de la tourmente chinoise, c’est l’époque de la révolution républicaine, s’insurgent. Les morts se comptent par milliers. La Chine du fait de ses problèmes internes étant pour un instant hors- jeu, Lhassa tente en vain une reconnaissance par la Russie, la France et la G.B.

     

    Le Dalaï Lama proclame le 14 février 1913 l’indépendance de son pays. S’il s’adresse à tous les Tibétains, il se heurte au fait que le Tibet n’est pas véritablement une Nation homogène… Il s’entoure de progressistes, introduit l’électricité, limite les pouvoirs des nobles, abolit certaines corvées, crée une monnaie nationale, et dote son pays d’une armée de 17.000 hommes.

     

    Les monastères quant à eux s’opposent à sa volonté d’introduire l’instruction élémentaire… ce qui fait dire à Patrick French : « la plupart des réformes lancées par le 13e D.L. ont échoué. Des initiatives ambitieuses pour moderniser le pays (…) furent réduites à néant par le conservatisme monolithique de l’establishment monastique ».

     

    Le 13e Dalaï Lama décède le 17 décembre 1933.

      

    En 1934 un tulkou du monastère de Reting devient régent à 20 ans. Le Kham se soulève et lutte tout à la fois contre Lhassa et la Chine… En octobre de la même année Mao tsé Toung commence la Longue Marche…

     

    Un an plus tard naissance de Tenzin Gyatso l’actuel 14e Dalaï Lama.

      

    1938 l’Allemagne nazie s’intéresse au Tibet. Elle y voit le berceau de la race indo-européenne.

     

    1940 Mao est considéré comme le maître incontesté de la Chine. Son vœu : « civiliser » les minorités qu’il considère barbares, et surtout développer une économie homogène. Les transferts de population han seront favorisés, et des enfants tibétains expédiés à Pékin (certains diront « enlevés ») pour une éducation marxiste.

      

    Dès 1945 le régent Réting qui entre deux avait démissionné reprend le pouvoir avec à ses côtés les grands monastères guelougpa. Il entre en relation avec le Kuomintang (le parti national chinois du peuple) qui a désormais à sa tête Tchang Kaï-Chek qui lui promet un soutien logistique en échange de quoi il est prêt à accepter la domination chinoise sur le Tibet…mais Réting est rapidement arrêté. Le Tibet connaît alors sa première guerre civile moderne…

     

    Le Parti réformateur du Tibet occidental voit le jour. La Chine finance ce parti qui deviendra plus tard le « Parti révolutionnaire tibétain » qui s’adossera sans complexe au PCC… Leur but est clair : faire du Tibet une province chinoise.

     1945 c’est aussi l’année où l’alpiniste autrichien, membre du parti nazi, Heinrich Harrer, incarné au cinéma par l’acteur Brad Pitt dans « Sept ans au Tibet », fraîchement évadé d’un camp de prisonniers britannique arrive à Lhassa. Il deviendra « précepteur » du jeune Dalaï Lama en l’initiant à la culture occidentale.

     

    1er octobre 1949 c’est la proclamation de la République Populaire de Chine.

     

     

     

    A mi-temps du 20e siècle avant l’invasion par les troupes communistes chinoises, alors même qu’il fait acte de candidature à l’ONU sans aucun soutien… le Tibet est dans piètre état… La grande majorité du petit peuple vit dans la crasse et l’ignorance. Les pratiques superstitieuses sont le lot de tout un chacun, tant pour guérir les maladies que pour provoquer les moissons, voire le départ des caravanes comme le dévoile le film d’Éric Valli « Himalaya l’enfance d’un chef ». On continue de croire que la terre est plate !!! Et moines et nobles ont toujours recours à des châtiments corporels lourds. En effet la torture est toujours pratiquée… Le fouet en public est courant. Un condamné peut être exposé encagé, la main enserrée dans un gant de cuir rempli de sel…

     

    Les forces progressistes, incarnées par la jeunesse (Puntshog Wangyal et « le mouvement des jeunes tibétains sous serment » sont étouffés par l’archaïsme réactionnaire des Anciens et surtout de ceux qui détiennent le pouvoir, sans pour autant être aidés par la Chine qui se méfie de leur nationalisme.

      

    Le jeune Panchen Lama Kelzang Tséten, reconnu par le Gouvernement chinois de Nankin se rallie à la R.P.C… Mao Tsé Toung va alors utiliser une bonne vieille recette qui a déjà fait ses preuves en Europe… Les moines proches du Panchen Lama vont souhaiter un Tibet libéré en « invitant » l’armée populaire à éradiquer les traîtres du pays… Pour Mao, le message qui lui revient en écho… est clair, le Tibet est peuplé de patriotes dont le souhait est de chasser les agresseurs étrangers et la réaction ! Ainsi le 1er janvier 1950 Radio Pékin annonce que l’armée révolutionnaire est prête à libérer le Tibet à la demande du 7e Panchen Lama.

      

    En septembre 1950 40.000 soldats chinois franchissent le Yang Tsé. Face à eux 8. 500 tibétains mal équipés. Le compte n’y est pas et les conditions imposées par Pékin pour arrêter la marche de l’armée communiste sont inacceptables… il s’agit en fait de l’intégration pure et simple du Tibet à la Chine.

     

    En octobre de la même année, la Chine envahit donc un Tibet divisé. Les religieux fidèles au Panchen Lama font le vœu de voir triompher les chinois… Certains Khampas hostiles au gouvernement central tibétain refusent de se rallier à la bannière de Lhassa tandis que les guerriers du royaume de Nangchen rejoignent les troupes chinoises.

     

    Le 17 novembre 1950 Tenzin Gyatso qui n’a que 15 ans est intronisé par anticipation de crainte de voir le Panchen Lama prendre le pouvoir.

      

    En 1958 c’est le « Grand Bond » en avant, en réalité un immense saut dans le vide qui va provoquer en Chine comme au Tibet des centaines de milliers de morts. La démographe Judith Banister citée par Patrick French donne le chiffre de 30 millions de morts en excès entre 1958 et 1961...

     

     

    1959 est « annus terribilis » pour le jeune Dalaï Lama. Epris de non-violence, antithèse d’un chef de guerre… certains disent qu’il est le jeu des rebelles indépendantistes Khampas, d’autres qu’il est épaulé par lesdits résistants… On dit aussi qu’il aurait entretenu une correspondance secrète avec le général commandant les forces chinoises de Lhassa… évidemment rien de ceci n’a été infirmé ni confirmé… Quelques-uns ont même parlé de duplicité de sa part !…

      

    Mais quel choix avait-il ? Et surtout que pouvait-il faire ? « Le Vatican combien de divisions » disait Joseph Staline ? Alors Lhassa… Quoiqu’il en soit, dans la nuit du 17 mars il disparaît déguisé en soldat Khampa.

      

    L’estimation de ces journées dramatiques porte à environ 10.000 le nombre de morts et des milliers de personnes seront arrêtées.

      

    Le Dalaï Lama arrive en Inde le 29 mars. Il sera suivi on le sait par une multitude de réfugiés qui seront loin de trouver en un premier temps l’Eden dans un pays humide et chaud qui en décimera plus d’un. Entre 1959 et 1960 80.000 tibétains ont franchi les cols de l’Himalaya, dont une grande majorité de Nobles et de Dignitaires religieux.

     

    Au Tibet la période est aux exactions. On arrête des moines, on les torture, on les fusille, on les oblige à s’entretuer. Les monastères sont pillés et détruits.

     

    C’est le Panchen Lama traditionnellement acquis à la Chine qui devient le chef de file du bouddhisme tibétain. Cependant, malgré de nombreuses pressions tout au long des ans il refusera toujours de le remplacer.

      

    1960 création d’un gouvernement en exil à Dharamsala. Un an plus tard une constitution démocratique est adoptée qui proclame la séparation des pouvoirs. L’ancienne autocratie théocratique semble battue alors qu’en réalité les familles nobles restent encore détentrice du pouvoir.

     

    La Chine en 1964 construit dans la province du Sin-Kiang (Sichuan) à l’extrême ouest de la Chine (le Turkestan chinois) un site nucléaire et un complexe militaro industriel en Amdo près du lac de Kokonor (Province du Qinghai - ancien Grand Tibet).

     

    Un an plus tard ouverture au nord de ce même lac d’un camp de concentration  dont le taux de mortalité est de 95 % au bout de 3 ans… On y meurt d’épuisement, de mauvais traitements et de malnutrition. Peut-on nier alors que les dirigeants chinois et leurs séides se soient comportés à cette époque comme des nazis ?

     

    En mars de la même année on peut noter avec beaucoup de satisfaction le revirement salvateur du Panchen Lama qui après l’arrestation de 4.000 moines sort de ses gonds et dénonce enfin la politique du Grand Timonier. Devant 10.000 personnes il réclamera l’indépendance et achèvera son discours par « Vive le Dalaï Lama ! » Il est aussitôt arrêté et placé en résidence surveillé. Il ne rentrera en grâce que de nombreuses années plus tard en 1986 pour décéder en 1989 tout juste à la suite d’un discours virulent contre la Chine.

      

    C’est en 1965 que la Région autonome du Tibet voit le jour (RAT). Elle comprend le Ü Tsang et la partie ouest du Kham, le Qamdo . Pour rester objectif il convient de dire que ces deux ex provinces du Grand Tibet, l’Amdo et une partie du Kam avaient été conquises sur la Chine du temps de l’Empire tibétain…

      

    En 1966 c’est la révolution culturelle en Chine… Au Tibet, au nom d’un passé qui doit être effacé (les vieux démons de Li Si le légiste…) on détruit avec une violence inouïe des milliers de temples et  on défroque nonnes et moines sous peine de mort. Le Potala et le Jokhan transformés en boucherie et urinoirs sont sauvés de justesse grâce à l’intervention de Chou En Lai. En 10 ans les Gardes rouges n’épargneront qu’une douzaine des 6.000 lieux de cultes…

     

    Ce n’est qu’à partir de 1971 que la Chine recommencera à respirer… avec notamment la liberté de la pratique religieuse.

     

    Chou En Lai et Mao meurent en 1976 et la sinistre Bande des Quatre est mise au ban.

     En juin 1980, la visite du secrétaire général du PCC, l’estimable Hu Yaobang marque un tournant historique… S’il ne remet jamais en question l’appartenance du Tibet à la Chine, par contre il critique la gestion humaine et économique du pays et reconnaît que la politique de la RPC s’est résumée à un colonialisme ! Après sa visite,  le PCC régional est épuré et le Comité central prend des mesures salutaires pour faire redémarrer le pays (exemption d’impôts pendant 3 ans, sauvegarde et autonomie culturelle, stimulation de l’artisanat, réduction des colons Han et notamment des cadres superflus). Pékin propose alors au Dalaï Lama de faire table rase du passé et en preuve de bonne foi fait libérer des milliers de prisonniers politiques. Lhassa devient également ville ouverte aux étrangers.

     

    Aux alentours des années 80 le Dalaï Lama est prêt à retourner au Tibet en abandonnant ses revendications d’indépendance, et la Chine disposée à l’accueillir. A cette date, beaucoup peut être négocié… excepté l’indépendance ! Il va commettre alors, selon P. French des erreurs de jugement politique… Lorsque Den Xiaping qui s’était bien impliqué dans la reprise des négociations invite les réfugiés tibétains à revenir d’exil et qu’on lui offre un poste à Pékin il ne fait qu’envoyer de simples délégués… Et encore plus inconséquent, deux ans plus tard, tout auréolé du Prix Nobel de la Paix reçu en 1987, il refuse d’aller à Pékin aux obsèques du 10e Panchen Lama, ce en dépit de l‘assurance d‘avoir des entretiens de haut niveau. A cette date ses mécènes, les pays occidentaux et plus particulièrement G.W.Bush père et le Congrès des Etats-Unis appuient le mouvement pour l‘indépendance du Tibet et reconnaissent le gouvernement tibétain en exil comme représentant légal du pays. Somme toute un véritable pied de nez à la Chine… De fait le Dalaï Lama revient sur son engagement et rejette une nouvelle fois la suzeraineté de la Chine… Les Tibétains vont tellement y croire qu’ils se soulèvent et de nouveau c‘est la répression qui s‘abat sur eux.

     

    Depuis le 19e siècle (guerre de l’opium) la Chine a horreur que l’Occident se mêle de ses affaires intérieures… Et comme le surligne French « les dirigeants (chinois du Tibet) ne sont pas choisis pour leur capacité à (…) représenter la nation, mais pour leur détermination à maintenir l’autorité du Parti et à réprimer tout ce qui ne serait pas dans la ligne qu’il a décidé… » fin de cit.

     

     L’ombre du premier empereur Qin Shi huang ti plane toujours de façon implacable sur les mentalités de cette immense nation ! En 2500 ans malgré l’humanisme confucianiste rien à jamais vraiment changé dans la manière d’imposer l’inflexible autorité centrale influencée par la philosophie des Légistes.

      

    Les 26 et 28 septembre 1987 à la suite de la condamnation à mort de deux jeunes tibétains, de violentes manifestations anti-chinoises font rages. La loi martiale est proclamée, et le Tibet est de nouveau fermé aux touristes. En 1988 les manifestations continuent. Elles provoquent une 50e de morts et des centaines de blessés. Le 10 mars 1989 pour les 30 ans d’exil du Dalaï Lama nouvelle révolte… Malgré l’intervention de Hu Yaobang, qui avait été limogé début 1987, mais avait conservé une certaine influence, la rébellion est écrasée sur ordre de Hu Jintao… patron du Tibet à l’époque et n° 1 chinois il y a encore peu !

     

    A cette date, pour remplacer le Panchen Lama deux tulkou sont désignés, un reconnu par Pékin, l’autre par le Dalaï Lama. Aujourd’hui l’un a disparu…ce jeune prisonnier politique aurait 25 ans, l’autre Gyaltsen Norbu est lui aussi sous contrôle chinois.

     

    Quelques mots avant de conclure sur les Tueries et le génocide culturel (la dernière expression est du D.L.):

     Nous l’avons vu de nombreuses sources historiques disent que les chinois ont détruit 6000 monastères et occasionnés au minimum la mort de ½ millions de tibétains (sources P. French) ; voire selon les tibétains eux-mêmes 1.200.000 personnes entre 1959 et 1979 soit le 1/5e de la population d’alors, par combats, assassinats, tortures, exécutions, suicides, et grandes famines. Si nous faisons le parallèle avec les ravages provoqués par le « grand bond en avant » de Mao Tsé Toung aux alentours des années 1960, où il y a eu plus de 30 millions de morts, la mortalité la plus forte cependant, (le double de la moyenne nationale) aurait été constatée notamment sur 5 provinces, dont celles limitrophes du Tibet (le Ganzou, le Sichuan et le Qinghai).

     On peut s’étonner d’une telle distorsion dans les chiffres ? Le gouvernement tibétain en exil a verrouillé sa propre enquête et n’y donne plus accès aux chercheurs. Les chiffres communiqués par les Tibétains sont désormais acceptés par la Communauté internationale et on comprend qu’une telle quantité de morts inspire tout à la fois une formidable compassion et à juste titre un dégoût de ce qu’a fait l’Armée populaire. Mais l’honnêteté intellectuelle dont fait preuve Patrick French dans son investigation l’amène à dire que certains chiffrages ont été faits au hasard… et qu’il y a eu multiplication de doublons. Il en fait la démonstration dans son ouvrage. Quoiqu’il en soit même le chiffre minima de 500.000 victimes est déjà une horreur en lui-même !

                 Quant aux récents évènements :

     

    Les émeutes du 14 mars 2008, quasiment la date anniversaire de la révolte de 1959 à Lhassa auraient fait selon les sources officielles chinoises, 22 morts et 300 blessés, principalement des Han et des Hui (musulmans) dont tout le quartier a été détruit. Par contre 135 morts est le chiffre avancé par les Autorités tibétaines. Matthieu Ricard interviewé en avril 2008 annonce quant à lui 192 morts minimum.

     

    Conclusion :

     

    Pour conclure cette réflexion quelque peu austère, que dire, si ce n’est qu’on ne dirige pas un pays de plus d’un milliard 300 millions d’habitants comme une Principauté… De tout temps, et notamment depuis la naissance de l’Empire chinois, la Chine a été commandé d’une main de fer. Après la période des Royaumes Combattants (vers - 260 av J.C.) la philosophie humaniste confucéenne a laissé le pas à celles des Légistes (Li Si et Han FeiZi) du type « dura lex sed lex » qu’on peut résumer par le système des châtiments et des récompenses avec une tolérance zéro… Elle est restée très longtemps en vogue, même si parfois elle restait en filigrane et est toujours ancrée dans l’âme chinoise… Et il faut du temps au temps pour que les mentalités évoluent…

     

    En Chine il existe actuellement de nombreux héritiers de Hu Yaobang qui sont favorables à une redéfinition des relations sino-tibétaines. Des personnalités politiques européennes pensent que plus les pressions à l’encontre des actuels dirigeants seront fortes, plus certains hauts dirigeants chinois actuellement dans l’ombre et dans l’expectative, pourront agir et faire valablement évoluer la situation. Il y a 20 ans Hu Jintao a écrasé la révolte à Lhassa… et rien n’a changé depuis ! Ce qui ne peut manquer d’exacerber plus d’un membre du PCC. Aujourd’hui plus de 270 intellectuels chinois de renom, tous domiciliés en Chine, ont lancé un appel en faveur du Tibet. Tout le monde sait bien que l’image répressive de la Chine actuellement véhiculée par les media est une mauvaise carte… Et les cadres dirigeants qui n’ont de cesse que de présenter une Chine nouvelle à la face du monde le savent très bien aussi.

     

    Un grand hebdomadaire du sud de la Chine Nanfang Zhouma, sous la plume de Cao Xin, cité par le « Courrier international » « propose de tourner cette page d’histoire en tendant aux exilés une main accueillante dès lors qu’ils ne prônent pas le séparatisme. » Le Dalaï Lama quant à lui souhaite la responsabilité universelle en rappelant l’interdépendance de tous les êtres et en soulignant que la notion de frontière en général devrait disparaître (cité par B. Kouchner)… « pour qu’il n’y ait plus qu’une seule humanité, une seule famille, un seul corps » (cité par Sofia Stril-Rever). Dans ces conditions il ne devrait pas être contre ce premier pas… Mais il faut cependant que toutes les ambiguïtés soient levées d’un côté comme de l’autre. En effet ne plus réclamer l’indépendance du Tibet, mais vouloir reconstituer le Grand Tibet d’antan, tout en souhaitant maintenir un gouvernement en région autonome en expulsant tous les Chinois ne peut qu’inquiéter Pékin….

     

    Les Jeux Olympiques ont été une belle vitrine sur un Empire du Milieu qui depuis quelques années a repris confiance en lui, alors même qu’il y a plus de 60 ans, la famine tuait plusieurs dizaine de millions de ses enfants… Une telle confiance au point même qu’ il puisse faire de l’ombre aux grandes nations capitalistes avec lesquelles il joue désormais dans la même cour …Et nous savons bien qu’ici tous les coups sont permis.

     La Chine avance à petits pas. Mais elle avance n’en déplaise à ses nombreux détracteurs. L’ancien ambassadeur de France au Népal, Michel Jolivet reste optimiste en pensant qu’un jour ce grand pays « finira par comprendre qu’il y a des pratiques qui ne se font plus au XXIe siècle » (in Paris Match du 9.04.09).

     Quant aux Tibétains, si un bon nombre d’entre eux souhaitent le retour du Dalaï Lama, lui qui a judicieusement démissionné de ses fonctions politiques en 2011,cela ne veut certainement pas dire qu’ils veuillent pour autant le retour de l’Ordre ancien représenté par les clans aristocratiques…

     « La victoire engendre la haine.

                                                         Le vaincu vit dans la souffrance.

      Le paisible vit heureux abandonnant victoire et défaite. »

     enseigne le Dhammapada.

     

    Il faut souhaiter que tous ces hommes, tibétains et chinois, pour bon nombre d’entre eux imprégnés de la culture et de la philosophie bouddhiste, s’inspirent de ces nobles paroles du Bouddha Gautama.

     Michel VDB

     28.09.2014

     

     

     

     

     

    Bibliographie :

     

     

     

    Chronologie de l’Histoire du Tibet par Jean Dif

     

    Tibet Tibet de Patrick French

     

    Les 14 Dalaï Lama de Glenn. H. Mullin

     

    Histoire du Tibet de Laurent Deshayes

     

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